Jeune bachelier, et devenu soudain velléitaire, j’avais enfin décidé d’aller maintenant plus loin dans mes rapports avec les filles, mordre goulûment dans la pomme interdite. Devenu donc étudiant dans le quartier Womey où tous les autres « terminalistes » avaient échoué, j’avais donc une ascendance extraordinaire sur les jeunes Gazelles qui pullulaient dans cette banlieue de Ouidah. La situation géographique de la maison de mon oncle Benoit, où j’habitais seul, située à l’extrémité sud, à la sortie donc de cette agglomération pittoresque, à l’abri des regards perturbateurs, était un formidable atout qui m’incitait à l’action. Ainsi donc, j’arrêtais, systématiquement et sans distinction, toutes les filles qui passaient, seules, devant chez moi. Je déployais tout le charme dont je disposais pour les convaincre. Comme je n’avais pas d’argent, j’utilisais la seule arme qui était à ma portée, une arme redoutable, le verbe, les mots. Mais aussi, et surtout le BAC !

Un jour donc, j’étais à l’affût, comme un chat qui guettait sa proie. J’attendais avec frénésie, la première jeune fille qui s’aventurait devant ma maison isolée. Surgit de nulle part, après quelques temps d’attente, une silhouette flegme d’une démarche princière qui avançait avec un calme olympien et une assurance extrême. Les reflets luxuriants du soleil matinal qui effleuraient ses joues appétissantes lui donnaient l’air d’une fille issue de la grande bourgeoisie. C’était une déesse, à l’allure aristocratique, qui s’avançait, pour aller se perdre dans ma gibecière. Ebloui par cette beauté raffinée, rare et rarissime, je perdis, dans un premier temps, mes mots. Mais, je ne pouvais en aucun cas laisser passer une femme aussi délicate et sublime. Il fallait agir, et vite. Je me levai donc de ma chaise, sous le petit manguier qui s’élançait triomphalement dans le ciel infini, pour aller à la rencontre de la belle, surprise par mon audace.

-Bonjour jeune fille, vous êtes très belle, comment vous vous prénommez ? lui ai-je asséné, poussé par une énergie et une détermination inexpliquée.

Un sourire furtif et majestueux emplit son visage rond, sobrement maquillé. De sa bouche pulpeuse et modestement vernie, elle me répondit avec une voix suave et d’une naïveté grandiose, laissant paraître une dentition immaculée et éclatante !

-Joséphine !

-Joséphine, vous êtes très belle. Moi, je m’appelle Serge, je viens d’avoir le BAC !

-Ah bon ! Vous êtes le seul bachelier du quartier, mon grand frère a dit qu’il n’y a qu’un seul admis dans tout Womey. Donc c’est vous ?

-Oui, c’est moi ! Et je prépare mon concours pour entrer à l’ENA.

-C’est quoi l’ENA ?

-Ecole Nationale d’Administration !

-Que voulez-vous étudier ?

-La diplomatie, j’aimerais être diplomate !

-Vous avez de grandes ambitions !

-Vous trouvez ?

-Oui, c’est la première fois que je rencontre un homme aussi sûr de lui-même !

Comme vous le voyez, cette discussion a scellé le « sort » de la jeune Gazelle. Je n’avais plus déployé beaucoup d’effort avant qu’elle n’acceptât de devenir ma copine, la deuxième, après Pélagie, conquise elle aussi avec la même stratégie. Brandir le BAC, trouver de jolies formules pour faire rire et se montrer très poli.

Suite….

Ulrich Serge HOUNGUE